« Faire le vide pour évacuer tout ce qui s’oppose, effacer toute dualité, entre apparence et essence de la surface des choses. »
BAUDUIN
Né en 1943 à Plougoumelen, décédé en 2022 Bretagne, France
Autodidacte, BAUDUIN est d'abord peintre au début des années 60. Vers 1967, il commence à concevoir une sculpture construite inspirée de Malevitch. Une bourse du Brooklyn Institute of Arts and Sciences le conduit à New York, où il séjourne de 1970 à 1974, réalisant des films, jouant de la musique. Dès cette période, il aime à intervenir in situ, d'abord en milieux urbains, puis dans la nature, pour "dé-poser" les lieux et la forme au moyen de mesures, interventions et balisages. En 1992, se souvenant des mégalithes de sa Bretagne natale, il dépose par exemple une roche granitique dans un jardin zen, lors de son voyage d'études et de recherches au Japon, à l'instigation de la Japan Foundation. A ces actions en plein air répondent et correspondent des "dessins de terre", maquettes de paysages ou modèles réduits d'édifices présentés sur des carrés de trente ou quarante centimètres de côté qui reproduisent ses actions. Le changement d'échelle transforme les sculptures titanesques de l'artiste en épures ne laissant paraître que la rigueur géométrique des formes et la pureté de la matière façonnée par la main de l'homme et constituée alors de sable, de granit, de terre, de fer et de verre. De manière concomitante, il a aussi recours à la vidéo, dont il se sert depuis les années 80, pour conserver la trace de ses interventions éphémères.
Philippe BOUCHET (2003)
D’une grande singularité et sobriété formelle, le travail de Bauduin échappe à toute tentative de définition stricte et se situe à la croisée de l’art minimal, conceptuel et du land art. À l’origine de sa démarche, il y a la nécessité de prendre ses distances avec l’abstraction géométrique pour s’orienter vers une pratique artistique nouvelle qu’il a appelé en 1975 « Dé poser ». Par ce maître mot qui est à l’aune de toute sa production, Bauduin entend « faire le vide pour évacuer tout ce qui s’oppose, effacer toute dualité, entre apparence et essence de la surface des choses ».
Ses « dé positions », qui peuvent tant s’effectuer dans la nature, sur un monument ou sur un document, jouent de rapprochement formels et intellectuels subtils, inattendus, suscitant l’interrogation du spectateur. Ainsi en est-il des mégalithes, appréhendés par le biais de « Cartes postales » anciennes, et que Bauduin a détourné en « dé-posant » un carré de verre, ici simplement dessiné au-devant de blocs de pierre géants et aux côtés de figures de l’époque se tenant à leurs côtés pour donner l’échelle. Le carré de verre, lorsqu’il est matériellement « dé posé » dans la nature, est un medium réflexif qui instaure une dialectique du visible et de l’invisible, mais aussi un rapport au temps, au lieu, à l’histoire très particulier, sans jamais imposer une vision des choses. La série sur « Les Demeures » correspond aussi à un travail sur les lieux de mémoire. Ici, la dite demeure est évoquée dans son expression la plus simple, voire archaïque, par un bloc de granit qui s’achève par un sommet à deux pentes.
Elle dialogue au mur avec le tracé en relief de son plan qui confronte le spectateur à une transposition abstraite de la réalité spatiale. Quant aux « Dessins de terre », modèles réduits d’actions qui se sont déroulées en plein air ou incarnations de projets à venir, ils évoquent par leur aspect épuré et minimal le microcosme des jardins zen dans lesquels l’artiste a fait de nombreuses interventions au Japon. Ils évoquent aussi le sens que revêt pour Bauduin le mot géométrie, qui dans son acception première renvoie aux notions de terre et de mesure qui lui sont chères. Certaines oeuvres de l’artiste sollicitent plus directement le spectateur, comme la série des « Châssis évidés » (2012-2013) lesquels, débarrassés de leurs toiles, ouvrent sur le mur : recouverts de mots de divagation, ils distillent dans l’oeuvre de Bauduin une sensibilité poétique et une dose d’absurde, à la manière d’un Duchamp. Un des châssis évidés, traversé par un mètre pliant en lieu et place de la toile, donne bien le ton de cet art qui, avec une modestie finement ajustée, oscille entre mesure et démesure.
Domitille d’Orgeval (2018)
Œuvres dans les musées et collections publiques
Musée National d’Art Moderne-Centre G. Pompidou, Paris
Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris
Musée de Toulon
Musée de La Rochelle
Délégation aux Arts Plastiques, Paris
Bibliothèque Nationale, Paris
Musée de Vaduz, Liechtenstein
Sélection des principales expositions
2001 Musée de Langres „Encyclopédie entre Arts et Sciences“
2002 Espace R. Altmann ASSPEC, Clairegoutte
2003 Musée Kamuraka, Japon
2004 Musée Kawagoe, Japon
2006 Galerie Saoh, Japon
2010 Musée de la Cohue, Vannes
1992 Prix de la Fondation du Japon
Sélection d’œuvres disponibles dans la boutique