Auguste Herbin

Herbin, Stockholm 1951

« Répétons inlassablement qu’il s’agit de la réalité de l’être, de la réalité d’une œuvre conçue directement et absolument par l’être, avec les seuls moyens de l’être, œuvre non figurative non objective qui enrichit progressivement l’être, ce qui est de la plus haute importance pour le devenir humain. »
— Auguste Herbin
« Les bases de son “Alphabet Plastique” autant scientifiques qu’ésotériques, s’inscrivent dans la suite tant de Goethe que de Rimbaud. Il lui permet d’élaborer ses compositions à partir des mots du vocabulaire qu’il a choisi. Nuit (1953), Vin (1951), Vendredi 2 (1954), Parfum 2 (1954) : les titres de ses compositions témoignent de la diversité des partis retenus mais ne disent pas l’effet que produisent l’alliance de la forme et de la couleur, l’allure expressive et rythmée qui émane de l’ensemble, ni l’ampleur monumentale qui s’en dégage. L’art d’Auguste Herbin est à ce moment magistral. »
— Serge Lemoine (2008)

AUGUSTE HERBIN

Né en 1882 à Quiévy, décède en 1960 à Paris.

Auguste Herbin est l’un des rares artistes qui ont non seulement marqué l’histoire de l’art abstrait, mais également laissé une trace dans le modernisme du XXe siècle. Auguste Herbin, fils d'ouvriers tisserands, a commencé à travailler dès 12 ans. Son assiduité aux cours municipaux de dessin lui a valu une bourse d'études qui lui a permis d'intégrer l'École des Beaux-Arts de Lille. Toutefois, à la fin de l'année scolaire 1901, il a décidé de quitter les Beaux-Arts pour s'établir à Paris. Herbin poursuit ses explorations artistiques dans le sillage de Cézanne, qu'il considère comme son mentor, ainsi que de Van Gogh. Ses compositions de natures mortes du début de siècle conservent une texture qui rappelle Cézanne, mais la technique d'Herbin est plus dynamique, avec des contrastes marqués et des couleurs à leur apogée d'intensité.

Il est fascinant de remarquer que les formes arrondies, subdivisées en motifs géométriques sont déjà présentes dans ses œuvres figuratives. Ce sens intuitif de la géométrie, perceptible dès 1901, marquera durablement l'œuvre d'Herbin, toujours en quête d'un idéal géométrique pour structurer ses formes et ses couleurs. En 1909, Herbin a élu domicile au Bateau-Lavoir, prenant un atelier adjacent à celui de Pablo Picasso. Cependant, son approche du cubisme se distingue de celle de Braque et Picasso. Au départ, Herbin refuse l'axiome de l'achromie, préservant vivement des couleurs vives et contrastées dans son œuvre. De plus, son style graphique utilise des formes géométriques absolument abstraites, qui ne servent aucun objectif figuratif. Entre 1918 et 1920, la majorité des créations d'Herbin flirtent avec l'abstraction. Toutefois, Herbin n'oublie jamais les enseignements du fauvisme. La couleur, dans son travail, agit de manière spontanée, dissolvant la forme. Ainsi, après avoir côtoyé l’impressionnisme, le fauvisme et le cubisme, il parvient à l’abstraction dans les années 1920, période à partir de laquelle il commence à théoriser son propre vocabulaire plastique. Dans les années 1920 et 1921, l'artiste s'engage pour la première fois dans la complexité de la peinture murale. Il réalise des fresques et essaie d'intégrer dans l'architecture, pivot et fusion des arts, des œuvres peintes et des pièces sculptées. Il crée également des sculptures en bois peint ainsi que des 'sculpta-peintures', sorte de peintures en trois dimensions.

Aux alentours de 1928, l'esthétique basée sur des formes géométriques, rectangulaires et rectilignes se fait progressivement remplacer par un style plus organique et asymétrique. Les motifs industriels cèdent leur place à des motifs inspirés par la nature. Entre 1930 et 1933, les motifs torsadés, enroulés et ondulés commencent à apparaître. La ligne stylistique d'Herbin est un courant continu sans début ni fin. Elle est fluide et flexible comme de la laine. Cette ligne ondulante et enroulée évoque le mouvement effréné imprimé à une ménade dansant. En 1938, Auguste Herbin anticipe la notion d'art cosmique. Ses formes circulaires évoquent des astres voyageant sur une trajectoire circulaire. Des corps célestes en mouvement autour de leurs orbites entrent soudainement en collision et se fractionnent en mille morceaux. Le peintre, tel un démiurge, échappe aux contraintes de la gravité terrestre. Son terrain d'expression devient l'espace cosmique.

Son langage abstrait s’affine progressivement et gravite autour de sa théorie fondée sur une correspondance entre les formes et les couleurs. Ses recherches sur cette voie trouvent leur point culminant dans son «Alphabet Plastique», créée en 1943 et qu’il publie sous forme de traité en 1949 dans son livre “L’Art non figuratif non objectif”. Sa technique consiste à associer arbitrairement à chaque lettre des formes géométriques, des couleurs et des tonalités. Agissant comme de véritables lettres d’un alphabet, les éléments plastiques sont associés les uns aux autres autour de divers concepts : un nom, une note de musique, un jour de la semaine ou un concept philosophique. Herbin continue, de cette façon, à développer l'idée introduite par Goethe et popularisée par Rudolf Steiner, qui soutient l'existence de correspondances ésotériques entre les lettres, les sons, les formes et les couleurs. Il incombe à l'artiste de rendre les mystères de l'ordre cosmique perceptibles à nos sens. L'exploitation des formes géométriques pures, telles que le carré, le triangle, le cercle, le demi-cercle, ainsi que l'utilisation des couleurs primaires, offre au peintre un champ d'expérimentation et de création infini grâce à son intuition.

Co-fondateur de l’association Abstraction-Création en 1931 avec Georges Vantongerloo, Auguste Herbin était toujours un protagoniste du milieu de l’abstraction d’après-guerre et un vrai pédagogue pour les autres artistes parmi lesquels on relève les noms de Victor Vasarely, Georges Folmer, Aurelie Nemours, Jean Dewasne, Geneviève Claisse, Olle Baertling et Jean Leppien. Imprégné d’une spiritualité synesthésique, l’art d’Auguste Herbin repose sur une pensée purement abstraite, où chaque forme et couleur est une phrase muette. Et c’est ce qui fait sa beauté.

Œuvres dans les musées et collections publiques

M.N.A.M. Centre Georges Pompidou, Paris

Musée d’Art Moderne de la ville de Paris, Paris

Musée de Grenoble, Grenoble

MOMA New-York, USA

Sélection des principales expositions

2024, Musée de Montmartre, Paris

2009, Museum im Kulturspeicher, Würzburg, Allemagne

2007, Musées du Château des Ducs de Wurtemberg, Montbéliard

2005, Mondriaanhuis, Amersfoort, Pays Bas

2003, Kunstmuseum Lentos, Linz, Autriche

2002, Mondriaanhuis, Amersfoort, Pays Bas

2001, London Royal Academy of Art, Angleterre


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