© Peter Willi
« La réalité est vitalité rythmique et possibilité tactile. »
ALBERTO MAGNELLI
Né en 1888 à Florence , décédé en 1971 à Paris.
Contemporain et ami de grands artistes, Alberto Magnelli figure dans le grand livre de l’histoire de l’art. Sage et novateur, le peintre florentin est aussi l’un des premiers à avoir arpenté la voie de l’abstraction. Né à Florence en 1888 dans une famille d’industriels textiles, comme tant d’autres de sa génération, Magnelli était autodidacte. Après un bref flirt avec le futurisme, il se rend à Paris (ville où il s’installe plus tard, en 1932) et s’aligne plus tard sur le « rappel à l’ordre » classique, partagé par tant d’artistes dans les « années folles », et enfin, du milieu des années 1930 jusqu’à sa mort en 1971, il a marché (à sa manière sans contrainte) dans les rangs de l’abstraction géométrique.
Au début de sa carrière, Magnelli était fasciné par le cubisme. L’artiste florentin, qui ne connaissait pas encore les originaux, a ajouté à ce cubisme ses propres couleurs intensément vives, finalement plus proches de l’effusion de Matisse que des tonalités de Picasso. Comme tous les artistes de son temps, Paris l’a appelé de loin et il a visité la ville à la fin du printemps 1914 et a pu enfin voir par lui-même les peintures cubistes. Il fait la connaissance d’Apollinaire, Picasso, Fernand Léger mais aussi Max Jacob, Alexandre Archipenko, entre autres, et fait également la connaissance d’Umberto Boccioni et d’autres artistes d’avant-garde italiens qui y vivent. Les peintures de Magnelli de ces années-là sont tout simplement éblouissantes ; des scènes quotidiennes nettes, claires, joviales, prosaïques, toujours résolues avec des formes précises et des couleurs vives ainsi que certaines natures mortes géométrisées. Les premières peintures entièrement abstraites de Magnelli remontent à 1915 ; ces peintures présentent des formes géométriques juxtaposées et des couleurs vibrantes, encadrées par une approche qui rappelle parfois celle de Robert Delaunay. Immédiatement après, vers les années 1920, Magnelli évolue en harmonie avec une métaphysique dont il parle de « réalisme imaginaire ». Ses œuvres s’orientent ainsi vers l’expérimentation spatiale mise en pratique dans les peintures métaphysique de De Chirico. Il s’installe à Paris en 1932. Dans la capitale française, Magnelli devient, avec Auguste Herbin, Vassily Kandinsky, Franz Kupka et Piet Mondrian, l’une des figures marquantes du groupe Abstraction-Création. Les peintures les plus importantes de Magnelli du début des années 1930 incluent la série Pierres, inspirée par sa visite des carrières de marbre de Carrarare en 1932. Pierres, qui bien des années plus tard, en 1981, a inspiré un texte d’Italo Calvino, a aidé Magnelli à opérer en douceur la transition de la figuration à l’abstraction. Ce sont des peintures d’une extrême sobriété compositionnelle et chromatique, qui représentent des roches en gris, ocre, bleu et blanc, sur des fonds désolés, flottant parfois dans l’espace du tableau. Les transparences et les formes vides, qui seront des marques importantes de sa peinture abstraite, sont déjà aisément repérables dans cette série.
En 1934, Magnelli réalise sa première exposition individuelle à Paris, à la Galerie Pierre. À partir de 1935, laissant derrière lui sa série de Pierres, il découvre son propre espace définitif. Géométrie et organicité forment désormais un partenariat dans sa peinture, laissant définitivement de côté les références figuratives pour devenir purement abstraite. À partir de 1938 et pratiquement jusqu’à la fin de sa vie, Magnelli pratique l’art du collage avec beaucoup de fantaisie et de talent, tantôt sur des tôles d’acier, d’autres sur des panneaux de fibres ou de carton, des morceaux de céramique, un bout de corde, et même branches et feuilles sèches… Dans les années 40-50, ses œuvres sont présentées dans des expositions collectives avec Domela, Kandinsky et Nicolas de Staël. On le retrouve plus tard dans les florissants Salons des Réalités Nouvelles, dans la revue Art d’Aujourd’hui.
Alberto Magnelli n’a jamais été insensible aux propositions formelles des courants autour de lui, mais tenant toujours aussi fermement à son indépendance, il ne participe à aucun mouvement et ne s’intègre à aucun groupe. En dépit de son amitié avec des artistes avant-gardistes, la véritable source d’inspiration de Magnelli est celle des fresquistes florentins. C’est auprès d’eux qu’il apprendra tout ce qui donnera à sa peinture son caractère distinctif et singulier, tel que le sens de la monumentalité, l’amplitude de la composition, la sobriété des formes, le contraste des volumes pleins et des espaces vides et surtout l’austérité de la couleur qui, sans pour autant craindre les tons les plus vifs, préfère les nuances subtiles, les tons terrestres et ocres. Magnelli est surtout marqué par l’idée que la peinture ne doit pas seulement être une narration ou une image, mais avant tout un phénomène plastique, une construction précise et rigoureuse de la couleur.
L’œuvre de Magnelli tire toute sa force de ses valeurs formelles et visuelles, qui se déploient dans l’espace autonome créé par l’œuvre elle-même. La simplification et la réduction sont des aspects clés de son approche, qu’il décrit comme guidée par l’imagination et le sens du rythme plutôt que par une méthode rigide. Bien qu’il rejette l’idée d’un cheminement trop méthodique, son travail d’élimination progressive est réfléchi, et l’a conduit de l’univers des formes représentatives à celui des formes pures. Titulaire du Prix Guggenheim pour l’Italie en 1958, Magnelli, a consacré ses dernières années à la récupération de rêves constructivistes, refaits avec sa chromatique expressive traditionnelle, suivies d’une séquence de géométries de plus en plus succinctes, de formes et de structures de formes. L’usage des lignes et des formes superposées, la variation de couleur des contours et la relation entre différentes zones de couleurs, rappellent les études sur le « poids des couleurs » qui ont captivé Magnelli au début de sa carrière. En résulte un espace nouveau dans chaque tableau, une « atmosphère dans laquelle on peut voyager » avec les propres mots de l’artiste.
Hans Arp, ami de Magnelli, avait décrit son travail comme étant de la « géométrie florale, abstraction orageuse ». Les peintures de Magnelli mettent en avant les détails subtils de la ligne, tels que les légères irrégularités qui témoignent du geste de l’artiste, ainsi que les changements de plans qui créent l’illusion de transparences. En plus de cela, l’entrelacement presque imperceptible des lignes et des couleurs crée une texture qui se révèle progressivement à l’observateur attentif. En fin de compte, comme dans les fresques florentins qui ont été si admirées par l’artiste, son art, par-delà le sujet, s’impose, pour qui sait voir, les secrets de la peinture.
Sélection d’estampes disponibles dans la boutique
Œuvres dans les musées et collections publiques
Palais Pitti, Florence
Musée Magnelli, Vallauris
Fondation Miro, Barcelone
Sara Hilden Art Museum, Tampere
Museu de Arte Moderna Muril Mendes, Juiz de Fora, Brésil
Wilhelm-Hack Museum, Ludwigshafen
The Solomon R. Guggenheim Museum, New York
Kunstmuseum, Basel
Galleria nazionale d’arte moderna, Rome
Prix
Guggenheim Award, 1958
Honorary Award, Mentone Biennial, 1955
Critics’ Award, Brussel, 1955
Foreign Artist, Sao Paolo Biennial, 1951
Sélection des principales expositions
2007/2008, Capitainerie de la Grande Motte
2006, Palazzo Magnani, Reggio Emilia
2005, Museum Wurth, Kunzelsau, Allemagne
2004, Galleria d’Arte Moderna e Contemporanea di Bergamo, Bergamo
2001, Musée des Beaux Arts de Verviers, Verviers
1981, Musée des Beaux Arts de Rennes, Rennes
1968, Musée d’Art Moderne, Paris
1947, Galería René Drouin, Paris