Renaud Jacquier Stajnowicz

RENAUD JACQUIER STAJNOWICZ

Né en 1952, vit et travaille à Chavanod, Haute-Savoie.

Qui soupçonnerait la complexité de l’assemblage des châssis, la précision nécessaire à la juxtaposition des éléments pour transformer une surface plane en un « objet » en trois dimensions ?

Les toiles de Jacquier-Stajnowicz, dont les dimensions sont induites par sa propre taille, ne se contentent jamais des formes classiques adoptées usuellement. Chaque figure, en prenant la forme, s’avère être un élément à part entière, qui nécessite un châssis individuel. Chaque élément se soumet à une même exigence : constituer la forme de l’œuvre, celle imaginée initialement par l’artiste. Assemblés, ils obéissent au dessein du créateur et deviennent alors l’essence de l’œuvre.

Ainsi, la forme devient le fond et le fond devient la forme. De cette ambivalence naît l’impression d’une grande force, immédiatement contredite par l’intuition d’une fragilité extrême.

Extrait de la préface de Christiane Talmard

“Je suis tout ce qui est, qui était et qui sera et aucun mortel n’a soulevé mon voile” (1). Et si cette inscription s’adressait à la peinture même, à l’art simplement, comme si l’événement de peindre, la cérémonie de la peinture nous livrait l’impossibilité du dévoilement. La peinture donnera-t-elle ce coup de main, ce geste “à l’arraché” par lequel le secret se laisse dérober. Il y a bien ici comme en fraude quelque chose qui s’introduit et qui rend inutile le souci de la compréhension.

 Et pourtant, tout est là, à portée de main, des couleurs transparentes et profondes, impérieuses, refuge de l’innocence, clé d’une communauté de langage, de relations des êtres entre eux. Jacquier-Stajnowicz choisit le monochrome, manière

physique d’amener la surface à l’incident, rendant fragile toute prise. La couleur non descriptive évite l’inflation “radicale” afin de privilégier l’intervention, le passage de l’acte de peindre.

Non tenu par une doctrine ou un système clos, le geste peut librement sonder l’espace pictural et faire s’enflammer le réel à s’écarquiller les yeux, représention de “l’imprésentable” ou “éclat de présentation”. Le réel “propriété de ce qui sature les sens” selon Valéry (2), déborde jusqu’à l’excès, excès qui insiste et résiste jusqu’à nous laisser interdit. L’absence de sujet ou plutôt son trop plein, s’élève au-dessus, ouvrant un champ où l’échelle du tableau est bien l’échelle du corps.

La peinture forme une famille où se noue l’alliance entre l’oeil et le coeur dans le flux et le reflux du pas du marcheur, des pulsations. Blanc, noir, bleu, le regard s’écrase, scrute l’image, arpentée du sol au mur et au-delà, confrontée à l’espace du lieu, refermée dans son mutisme. In extremis, à toute vitesse, la peinture échappe au contrôle, à la fermeture qui l’entraîneraient vers un fini où se perdrait l’équilibre entre “personnel et impersonnel”, ce juste point entre l’être et la nature. Cette démarche volatilise les idées tenaces d’une peinture/objet, peinture de chevalet/peinture sculpture. Y. Klein (3) affirme que “ses propositions monochromes sont des paysages de liberté, je suis un impressionniste et un disciple de Delacroix”. Jacquier-Stajnowicz le rejoint bien dans la dématérialisation de la couleur en corps “immaculé, calme, détendu”.

La peinture exhibe son secret jusqu’à nous laisser tout essoufflé, médusé, à l’arrivée et sur le tranchant de la toile, “petite soeur”, il faudra désormais nous souvenir de ce qu’il y avait avant ; vu entre plasir et déplaisir. Seule, la peinture permet cette poursuite, cette façon de dévaler la surface dans la lumière, peu importe la distance pour nous sujet “insupportable enfant gâté” (4). La poursuite n’a de raison d’être qu’à toucher l’invisible dans le visible, à l’instant où l’espace entre moi et les choses n’est relié que par l’expérience vécue.L’intensité plastique des oeuvres de Jacquier-Stajnowicz rend presque possible d’explorer ce qui impulse le geste et inversement son silence nous trouble, en se gardant bien de la montrer.Ce trouble est sollicité, quand il vient faire vaciller nos codes jusqu’à faire s’effondrer notre volonté de puissance et susciter l’affolement. Alors, une certaine idée du beau s’immisce par surprise, en un éclair.

1 Inscription du Temple d’Isis, E. Kant, critique de la Faculté de Juger (CF) Akademie Ausgabe, Berlin 1913 - 2 P. Valéry, dans ses cahiers- 3 Y. Klein, dans son journal, 23 août 1957 - 4 C. Lévi-Strauss

Elisabeth Chambon conservateur Musée Géo-Charles


Œuvres dans les musées et collections publiques

Musée Arithmeum, Bonn, Allemagne

Fondation Leschot, Suisse

Fondation National d’Art Contemporain, Paris

Musée Géo Charles, Echirolles. France

Maison des Arts, Thonon les Bains. France

Sélection des principales expositions

2019 - Galerie Lahumière. Paris

2019 - Galerie Lothar Kurz Ingolstadt. Allemagne

2018 - Galerie Corona Hunger. Brême. Allemagne

2017 - Galerie de Rue. Suisse

2014 - Musée   " Espace de l'Art Concret" – Mouans-Sartoux (06) France

2013 - Galerie Lahumière. Paris

2011 - Espace culturel. Seynod. France

2010 - Kunstalle Messner. Riegel. Allemagne

2009 - Stattgalerie Klagenfurt. Autriche

2008 - Exposition “Espace Raphaël Sanzari” Annecy

2007 - Galerie Lahumière. Paris

2004 - Galerie Lahumière. Paris

1995 - 2019 :  Présence avec la galerie Lahumière sur les foires de Francfort, Bâle, Fiac, Art Paris, Cologne, Chicago

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