Pierre Mabille, Garam 2 (B), 2025,
acrylique sur toile, 60 x 40 cm
Victor Vasarely, Garam 2, 1950,
huile sur bois, 34 x 23.5 cm
Rendez-vous avec Victor
Pierre Mabille et Victor Vasarely
Du 23 octobre au 20 décembre 2025
Vernissage le 23 octobre à 18h30
Pendant l’été 1997 on revient de la plage avec les enfants, une affiche annonce l’exposition Vasarely au château de Noirmoutier. Je dis vous allez voir ce sont des peintures hypnotiques, elles font super mal aux yeux, vous allez voir c’est génial. Mais dans l’expo, surprise, les tableaux ressemblent à des tableaux abstraits, genre comme à la maison. Légère déception des enfants. Alors que les parents, déçus en bien, découvrent le Vasarely d’avant l’art optique. C’est mon premier rendez-vous avec Victor.
En effet, dans les années 50 Vasarely est un peintre abstrait qui admire Magnelli et Herbin. Il observe les galets à Belle-Isle, les craquelures sur les carrelages du métro à Denfert, les lumières découpant les volumes cubiques d’un village méridional. Et il en tire trois cycles picturaux: Belle-Isle, Gordes- Cristal, Denfert. Trois séries qui parfois se croisent, se frôlent ou se mélangent. Dans les tableaux de cette période, les plages de couleurs en àplat construisent une géométrie de formes anguleuses ou courbes : cloisonnées, empilées, imbriquées, parfois labyrinthiques. Sa pensée de la couleur est à l’opposé des couleurs théoriques des héros de l’abstraction, elle est loin de la couleur atmosphérique ou des gammes décoratives. C’est une couleur bien à lui, qui en impose par sa présence. Belle, bizarre, elle parle d’une voix grave, un peu assourdie. Elle improvise des accords improbables, provoque des voisinages inhabituels. Sans fragilité, comme entraînée aux arts martiaux, c’est une couleur qui aurait assimilé la force du contraste noir et blanc: Noir contre jaune lumière, jaune moutarde, jaunes dorés. Noirs contre violines mauvais genre, roses louches, verts-outrance. Noir contre tons de terre, rouge à lèvres, orangés lumineux.
L’exposition à la Galerie Lahumière, est donc le deuxième Rendez-vous avec Victor. Elle présente plusieurs tableaux de cette période dont Tabriz (1950), Siris II (1952-1958) ou l’étrange Garam2 (1950) en dialogue avec mes reprises de 2025. L’idée de reprise très courante dans le domaine musical est moins fréquente en peinture. Il ne s’agit pas d’exercices à la manière de… ni de copies, ni d’hommages. C’est plutôt un partenariat que je me permets de proposer à Vasarely. Je travaille à partir des originaux, ou de reproductions et de souvenirs, adaptant mes propres règles formelles aux siennes. Je tente surtout d’entrer sans effraction dans son espace chromatique pour l’explorer, avec des échos et des écarts. Et offrir dans l’espace de la galerie une sorte de mini-voyage dans le temps sans nostalgie, avec circulation de regards à géométrie variable.
pierre mabille